Qui est et que fait Travel Planet ?
Betty Seroussi : « Il y a quelques mois je vous aurais dit : Travel Planet, c’est une agence de voyages dédiée au déplacement professionnel pour les moyennes et grandes entreprises.
Aujourd’hui je vous dirais que Travel Planet est une entreprise technologique, spécialement dédiée au voyage mais pas que pour les entreprises et les déplacements de leurs collaborateurs. C’est également une entreprise avec une partie plus technique dédiée à tous les opérateurs du voyage pour présenter leurs outils et leurs produits en B2B mais également en BtoC. Par exemple aujourd’hui nous avons un client qui s’appelle la SNCF, et demain nous pourrions avoir un client comme l’office de tourisme de Cannes.
Une dimension technologique supplémentaire qui s’est rajoutée à cette expertise métier.
Nous avons analysé avec mon époux, Tristan, qui vient du milieu de la technologie, le monde du déplacement en général. Nous en avons conclu que ce monde était vieillissant et nous avons décidé de repartir d’une feuille blanche.
Betty Seroussi, un parcours entrepreneurial très jeune.
Alors je pourrais presque te dire que je suis né dans le voyage, à l’époque j’ai fait un BTS tourisme et comme on dit vulgairement j’ai tout de suite monté mon agence, il y a quelques années maintenant pour ne pas dire il y a fort longtemps, quoiqu’on peut le dire c’était en 1995.
J’ai donc créé mon agence de voyages traditionnelle comme certains la connaissent, à savoir une petite agence de quartier avec des déplacements loisirs et très peu de volume professionnel dédié aux entreprises. Ça a duré et ça a très bien marché jusqu’en 2007, jusqu’à ma rencontre avec Tristan, mon époux. Lui venait d’un tout autre monde, qui était le monde de la technologie et à cette époque il regardait un peu ce que je faisais en se moquant gentiment et en me disant, « dis donc qu’est-ce que vous êtes archaïque ¡ ».
N’oublions pas que le monde du voyage c’est 8 milliards de déplacements …
A cette époque-là nous avons des concurrents, des grands noms toujours en place, qui trust le marché : Carlson Wagonlit Travel, Egencia, American express… mais peu de petites entreprises voir TPE comme nous l’étions.
Nous commençons donc à analyser la situation tous les deux, lui sur la partie techno et ce qu’il est possible d’apporter, et moi sur la partie des manquements ou des valeurs ajoutées, dans tous les cas concernant l’opérationnel.
Agile et rapide pour se distinguer de ces gros concurrents?
Pour se distinguer dans ce monde il faut être agile et rapide, ce que ne sont pas nos concurrents aujourd’hui puisque évidemment quand on s’appelle American Express, on est une « grande dame », et je dirais que pour faire bouger une grande dame il faut beaucoup de temps.
À l’époque moi j’étais franchisée Havas voyage pour parler d’un grand du voyage français et au quel cas pour changer une virgule je dirais que parfois il faut des semaines voire des mois.
En lançant notre start up nous avions donc une nouvelle opportunité, repartir sur de nouvelles bases avec l’aide de technologies beaucoup plus abordables qu’elles ne l’étaient dans les années 80 par exemple.
J’ai d’ailleurs oublié de parler de la dématérialisation des billets, ça été quelque chose d’extrêmement important et qui nous a beaucoup aidé d’ailleurs.
Dans les années 2000 si tu voulais un billet d’avion ou de train tu allais dans une agence de quartier sauf pour les grands noms comme American Express qui les délivraient sous forme de coursier, de DHL ou autres.
À partir de 2012 la SNCF et le monde de l’aérien dématérialise totalement les billets et là c’est l’opportunité de s’engouffrer dans la brèche.
Je me suis dit qu’aujourd’hui nous ne pouvions être qu’une agence de quartier mais demain nous pouvons faire des appels d’offre sur le marché national et c’est ce qu’on a fait.
Donc en 2014 nous répondons à un appel d’offre énorme qui pèse trois fois l’entreprise, pour mémoire en 2014, Travel Planet c’est une entreprise qui fait 7 millions, ce c’est pas négligeable certes,mais c’est petit. Nous répondons à un appel d’offre qui fait 16 millions, on est toujours un petit peu audacieux chez Travel Planet, ça c’est aussi dans notre ADN.
Etre audacieux pour se distinguer des autres ?
Oui c’est indispensable, c’est indispensable d’être audacieux et d’oser. Je dirais qu’en l’état, quelques années auparavant, je n’aurais pas osé et je serai passé à côté. La mutualisation des savoirs de mon mari et des miens, l’un qui regarde parfois le verre à moitié vide et l’autre le verre à moitié plein, nous permet de saisir les opportunités et ça apporte une bonne dose d’adrénaline. Tristan répond à cet appel d’offre en se disant si je ne gagne pas j’apprendrais, on dis toujours, on apprend de ces erreurs.
Le post Covid a mis en exergue beaucoup de choses.
Il y avait des mastodontes sur le marché du voyage d’affaires, pourquoi deux petits gugusses, sans vouloir être péjorative, qui arrive avec des idées nouvelles, avec une techno nouvelle, avec une philosophie nouvelle pourquoi on serait mieux que les autres?
On aurait pu se dire, on va aller prendre piocher un peu dans ce qui se fait actuellement puis on va en faire un grand millefeuille et on va construire notre boutique.
Nous on s’est pas du tout dit ça et on a postulé et on a gagné. Et quand on gagne c’est là que les questions se sont posées.On gagne avec un écrit et dans l’écrit on raconte notre vision des choses et on raconte le Travel Planet de demain bien évidemment une fois que nous l’avons raconté pour gagner il faut le mettre en place.
Et c’est là où je pense que nous avons mutualisé nos deux savoir-faire qui étaient pour moi indispensables pour arriver à ce que nous sommes aujourd’hui.
Comme je vous le disais tout à l’heure nous sommes partis d’une feuille blanche, nous avons par le passé, comme les autres, travailler avec des amis partenaires comme Amadeus, que vous connaissez d’ailleurs très bien. Ce sont des personnes très intelligentes, mais c’est une grande machine et parfois on s’est rendu compte que lorsqu’on avait besoin d’une petite modification il y en avait pour parfois des semaines dans le meilleur des cas, voir des mois.
Pourquoi ? c’est important de le savoir, ce c’est pas parce qu’ils n’ont pas envie de le faire c’est parce qu’ils ne peuvent pas changer une virgule comme ça juste pour Travel Planet mais quand ils ont deux, trois, quatre, dix demandes identiques ils se disent, bon d’accord là on va faire travailler les développeurs dessus et on va le modifier.
Ce qui est différent chez nous aujourd’hui c’est qu’on a notre propre équipe interne de développement et que celle qui est en partie aux commandes c’est Betty donc si un client me demande une modification, je fais. C’est là où on a vraiment été différent des autres, en tous les cas des grands de ce monde et des grands qui étaient totalement incontournables à l’époque.
De l’agilité et de l’habileté
Absolument c’est de l’agilité c’est ce que je te disais il y a peu de temps c’est de la techno avec de l’habileté et surtout de la mise en production rapide. Quand on a un projet chez Travel Planet on le met en place et en quelques semaines il est en production. Je vais parler de l’exemple très concret de la SNCF, qui est un exemple très récent, en neuf semaines nous avons mis en place l’outil en production, ce qui a été très rapide, ils nous l’ont dit eux-même, d’autres l’auraient fait en 6 mois. Je ne dis pas que tout est parfait bien sur, mais je dis que c’est mis en production et qu’au fil des jours, des semaines nous améliorons le produit parce que les équipes sont internalisées et toujours prête à réagir. Je dis pas qu’on est les meilleurs ou les plus forts, simplement qu’on est très agile. »
Aurélien Lallemant :
« J’aimerais revenir sur un point-clé de votre ascension, un point que nous avions abordé lors d’une masterclass au Village by CA PCA, ce passage à l’hypercroissance ne s’est pas fait sans mal, alors qu’elles ont été les grandes difficultés et comment avez-vous réussi à y faire face? »
Betty Seroussi :
« Avant de répondre à cette question, j’aimerais vous complimenter, complimenter le Village by Crédit Agricole Provence Côte d’Azur, parce que vous offrez à des entrepreneurs et à des jeunes entreprises, l’opportunité de pouvoir piloter leur croissance de manière plus sereine.
Ce qui n’a pas toujours été le cas chez Travel Planet, comme je l’expliquais.
En septembre 2014, on gagne un marché qui fait 3 fois la taille de l’entreprise. C’est à ce moment là qu’on a fait face à l’hypercroissance et qu’on a dû la gérer.
Comme on l’a expliqué durant cette masterclass, le 30 septembre 2014 on émet en moyenne 10 000€ de billets par jour, le 1er octobre on multiplie par 5, là c’est compliqué, on fait face à des problèmes auxquels on avait même pas pensé. Qui fait quoi? Il faut embaucher des salariés, qui?, quoi?, comment? Où? À quelle date? Tout de suite, maintenant, pour hier ?Ça c’est la première grande difficulté.
Deuxièmement il faut absolument mettre le online en route. Tristan a certes le savoir-faire mais il faut embaucher les équipes. Et je pense que je ne vais pas vous apprendre qu’embaucher des développeurs c’est très dur, très compliqué. Certains nous disent qu’avec moins de 10 000€ par mois ils ne viennent pas. Quand on s’appelle Travel Planet en 2014, on ne peut pas embaucher un développeur payé 10 000€ par mois, surtout quand on ne sait pas ce qu’il sait faire. Toutes ces difficultés qui ont été le recrutement, la production, délivrer le service, l’animation du réseau, on en parlait tout à l’heure, on ne peut pas avoir toutes les casquettes et pourtant on les a eues.
Tristan s’est occupé de la partie technique et commerciale et moi la partie opérationnelle et service, ce qui constituait la base de mon métier. Je ne te cache pas que les 4 premiers mois ont été durs avoir très durs, il nous a fallu quelques mois voir une année pour commencer à s’organiser mettre en place les services dont on avait besoin. Encore une fois Travel Planet ce n’est pas juste Betty et Tristan c’est plusieurs métiers, on avait besoin de facturer aussi, c’est bien délivrer des billets mais il faut ensuite les facturer.
Les besoins en BFR ont donc été extrêmement importants c’est aussi pour ça qu’à l’époque on décide de mettre en place ce qu’on appelle le Factoring, et dans notre métier c’est très peu voir pas du tout utilisé. Aujourd’hui on connait la carte logée, le client donc paie avec une carte mais c’est un système qui coute très cher à l’entreprise puisque les seuls qui proposent ce type de paiement c’est American Express, et quand on sait que c’est 2.9 alors que les marges font en moyenne 6 à 9, quand on donne déjà 2.9, rien que pour le financement c’est compliqué. Donc nous on a trouvé un système à 0.9.
Une veille permanente sur la partie achat et fournisseurs.
C’est ce que j’allais te dire, ça a été une veille permanente sur tous les sujets et on a été sollicité sur tous les sujets. Quand tu construis une entreprise et quand elle est petite, il y a une habitude qui s’installe et je l’ai vécu pendant des années. Mais quand on grossit de 400 ou 450 mille euros par an c’est très bien parce que tu prends le temps de réfléchir. Et je parle du temps de réflexion parce que à ce moment-là, le mot temps avait tout son sens pour nous parce que nous n’avions plus le temps. On faisait des journées entre 14 et 18 heures, ça c’est quelque chose qu’il faut dire à un entrepreneur ou une entrepreneuse.
Il ne faut pas oublier que quand on se lance dans le gouffre de l’entreprenariat, oui c’est magique mais le travail est là. Parfois les personnes avec une vie de salariés veulent se lancer, moi je les engage à le faire et je serais ravie de partager avec eux. Mais attention, ce que tu vis même si tu es un salarié modèle et que tu ne comptes pas tes heures, ce n’est pas la même chose. Lorsque tu es salarié en général lorsque tu fermes la porte de l’entreprise tu la fermes vraiment et tu penses à autre chose. Un entrepreneur oui il ferme la porte de son bureau, moi je la ferme tous les soirs, mais quand tu rentres à la maison, tu ne peux pas dire je ne pense pas à ma journée, à demain et au dossier que je n’ai pas pu traiter.
Et ça dans l’hypercroissance c’est dur à gérer et qu’il faut de mon point de vue anticiper. Et c’est pour ça qu’encore une fois, bravo pour ce que vous faites au Village by CA PCA vraiment je le pense sincèrement parce que toutes ces entreprises qui sont dans une pépinière et qui peuvent partager avec des personnes qui ont vécu ce qu’on a vécu en disant attention à ne pas tomber dans les pièges. Parce qu’on dit qu’on est grisé par la vitesse, on est grisé par l’hypercroissance parce que c’est glorifiant, mais c’est là qu’on peut tomber dans les pièges. Parfois ça pardonne pas, la finance par exemple, comment financer son BFR, on voit beaucoup de start-up qui se casse la figure parce que le passage de la deuxième marche à la troisième marche qui n’est pas assez anticipé. Il faut aussi un savoir-faire, j’ai eu la chance d’avoir eu Tristan pour qui la finance n’avait pas trop de secret, il a donc tout de suite réfléchi aux moyens de financement pas cher, intéressant pour l’entreprise et qui permettait de préserver le BFR.
Il faut faire aussi attention à ce qu’on appelle chez Travel Planet « délivrer », nous ne sommes pas juste dans le marketing. Certaines entreprises sont simplement dans le concept, certains fournisseurs que je ne citerais pas, viennent te proposer monts et merveilles et quand il faut délivrer, il n’y a plus personne. En règle générale chez Travel Planet on promet et on délivre, si on a promis on délivra coutre que coute.
En 2022, c’est quoi le déplacement professionnel et quelles sont selon toi les mutations à venir s’il y en a à prévoir ?
Il y en aura ça c’est sur, pour répondre à ta question il y en aura, en tout cas nous en sommes persuadés. La vraie question c’est combien de temps ça mettra, ça ira plus vite qu’avant c’est certain.
Pour reprendre un peu l’aval Covid, le marché était trusté par des incontournables. Bien souvent nous avons été entendu, on nous a demandé ce qu’on faisait simplement pour voir ce que nous faisions.
On a souvent été qualifié d’agence disruptive, ce qui est un peu vrai mais certains surtout les gros avaient peur du changement. D’ailleurs c’est très français, la peur du changement, et dans tous les domaines c’est très français. Ils se disaient que nous pouvions être intéressants mais ils avaient peur de changer et de se casser la figure si nous ne délivrions pas ce que nous promettions et par conséquent ils avaient peur pour leur place.
Le covid est arrivé, nous avons connu une crise sans précédent, une crise que le monde du voyage n’avait jamais connue. J’y travaille depuis 1984 et même avant, un monde a l’arrêt total avec des avions cloués au sol et des trains dans les gares c’était du jamais vu. Donc il a fallu en tout cas pour Travel Planet, à notre niveau, après les premières semaines qui ont été très compliqués parce qu’il a fallu avaler la pilule et se dire que fait-on?
La suite à écouter sur le podcast ici :…